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L’insuffisante rentabilité d’un immeuble ne constitue pas un vice caché

Posté par dana68 le juin 7, 2019
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Cass. 3e civ. 21-3-2019 n° 18-12.026 F-D

La vente d’immeuble à usage locatif n’est pas affectée d’un vice caché au seul motif que l’acheteur n’en a pas retiré le profit escompté.

Pour réaliser un investissement locatif, une société civile immobilière acquiert deux immeubles auprès de deux autres sociétés civiles immobilières. La société acheteur se plaint de l’absence de rentabilité de cet investissement locatif et assigne les sociétés vendeurs en réparation de son préjudice sur divers fondements, dont la garantie des vices cachés.

Les juges du fond rejettent la demande de l’acheteur. Ce dernier se pourvoit en cassation afin de faire valoir que la rentabilité faussement annoncée par le vendeur d’un immeuble de rapport constitue un vice caché. Le pourvoi est rejeté.

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir retenu que le défaut devait être inhérent à la chose vendue et que le vendeur, s’il devait garantir le potentiel technique de rendement du bien vendu, ne pouvait en garantir la rentabilité économique, faute d’avoir la maîtrise de son utilisation ultérieure. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel en a déduit à bon droit que l’acheteur ne pouvait pas soutenir que la vente d’immeubles à usage locatif était affectée d’un vice caché au seul motif qu’elle n’en avait pas retiré le profit escompté.

à noter : L’arrêt présente l’intérêt de renforcer la sécurité juridique des ventes d’immeuble. 
Il n’étonnera pas que la Cour de cassation rejette l’existence d’un vice caché au seul motif que l’acquéreur ne retire pas du bien acquis le profit escompté. Il va en effet de soi que l’insuffisante rentabilité locative d’un immeuble peut découler de nombreux facteurs, en particulier de fautes ou négligences de l’acquéreur lui-même. Or, le vice caché doit prendre naissance dans la chose vendue (lui être «  inhérent », pour reprendre les mots de l’arrêt). Le fait que cette rentabilité ait été « faussement annoncée » comme plus intéressante par le vendeur ne change rien à l’affaire. L’insuffisante rentabilité ne s’en trouve pas rendue inhérente à la chose vendue. Tout au plus cette fausse annonce pourrait-elle être invoquée pour caractériser un dol ou une faute lors de la conclusion du contrat (ce que les juges du fond avaient par ailleurs exclu). 
L’affirmation des juges du fond que le vendeur doit garantir le « potentiel technique de rendement » du bien vendu reste pour sa part un peu obscure. La solution, qui n’est pas inédite (v. Cass. com. 1-12-1992 no 90-21.804 : RJDA 2/93 no 99), invite à tracer une frontière entre la seule rentabilité économique, qui n’est pas garantie, et le potentiel technique de rendement, qui le serait. Dans ce dernier cas, l’acheteur pourrait agir sur le fondement des vices cachés, ce qui suppose que l’insuffisance de ce « potentiel » trouve sa source dans le bien vendu. Tel serait par exemple le cas si l’immeuble était situé dans une zone bruyante la nuit rendant toute perspective de location durable illusoire.

Le repentir du bailleur lui interdit de poursuivre la procédure antérieure en résiliation

Cass. 3e civ. 24-1-2019 n° 17-11.010 F-D, Sté MGRA de Azevedo et fils c/ Sté Jéromi de Stains

L’exercice sans réserve du droit de repentir par le bailleur commercial, implique l’acceptation irrévocable du renouvellement du bail initialement refusé et fait obstacle à la poursuite d’une action antérieure en résiliation de ce bail.

Reprochant des manquements à son locataire, le propriétaire d’un local commercial introduit une procédure pour que soit constatée l’acquisition de la clause résolutoire du bail. Une cour d’appel rejette sa demande et écarte la résiliation du bail. Le propriétaire délivre alors à son locataire un congé avec refus de renouvellement du bail sans offre d’indemnité d’éviction, puis, finalement, exerce son droit de repentir en consentant le renouvellement du bail. Entre-temps, il forme cependant un pourvoi contre l’arrêt ayant rejeté sa demande de résiliation, et l’instance en cassation qui se poursuit, malgré le repentir, aboutit à une cassation de cet arrêt.

Une cour d’appel de renvoi constate l’acquisition de la clause résolutoire du fait des manquements visés au commandement initial, après avoir relevé que le propriétaire n’avait jamais renoncé à se prévaloir des manquements dont il avait connaissance avant le repentir et que, du fait de la résiliation du bail acquise un mois après ce commandement, tous les actes postérieurs (et notamment le congé et le repentir) étaient sans objet ni effet, de sorte que le locataire ne pouvait pas s’en prévaloir.

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation, saisie à nouveau de l’affaire, prononce une nouvelle cassation : l’exercice sans réserve du droit de repentir, impliquant l’acceptation irrévocable du renouvellement du bail, fait obstacle à la poursuite d’une instance en résiliation engagée avant l’exercice de ce droit.

à noter : Le propriétaire qui refuse le renouvellement du bail commercial bénéficie d’un droit de repentir qui lui permet de revenir sur sa décision et d’accepter le renouvellement du bail (C. com. art. L 145-58). Ce repentir peut être exercé même dans le cadre d’un congé portant refus de renouvellement et refus d’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes (Cass. 3e civ. 30-11-2005 n° 04-19.703 FS-PB : RJDA 2/06 n° 116). 
L’acceptation du renouvellement que génère l’exercice du droit de repentir est alors irrévocable (art. L 145-59 ; Cass. 3e civ. 4-7-2012 n° 11-19.043 : RJDA 11/12 n° 943). 
Appliquant cette règle rigoureusement, la Cour de cassation a déjà jugé que le bailleur ne peut pas y faire obstacle, même par la voie d’une action tendant à faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire, pour des violations du contrat antérieures à l’exercice de ce droit mais découvertes ultérieurement (Cass. 3e civ. 6-11-1970 no 69-13.844 : Bull. civ. III no 585 ; Cass. 3e civ. 1-2-2018 n° 16-29.054 F-D : BPIM 2/18 inf. 147). Elle précise ici que la solution est la même lorsque l’instance en résiliation a été engagée avant l’exercice du droit de repentir et poursuivie en parallèle du renouvellement. La situation aurait peut-être été différente si les parties s’étaient placées sur le terrain de l’existence même du droit de repentir et si le propriétaire avait pu justifier de réserves émises au moment où il avait accepté le renouvellement ; ainsi, il a été jugé que la délivrance par le bailleur commercial d’un congé avec offre de renouvellement, sous réserve d’une instance en cours relative à un précédent congé sans offre de renouvellement, n’a pas de caractère irrévocable et ne peut caractériser l’exercice d’un droit de repentir (Cass. 3e civ. 9-3-2011 n° 10-10.409 FS-PB : RJDA 11/11 n° 890). La Cour de cassation prend d’ailleurs soin, en l’espèce, de faire référence à l’exercice « sans réserve » du droit de repentir.

Source : francis lefebvre

 

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